vendredi, mai 25, 2007

Villamayor de Monjardin-->Rio dos Torres

Ondoyante, sous les blés, une autre Espagne se découvre. Les premiers oliviers et amandiers font leur apparition. Aux bords de minces filets d'eau, qu'on appelle ici rivière, poussent des roseaux. Les villages se font plus rares et quand un clocher apparait à l'horizon, on crie : « Terre, terre !». Dans l'entre-deux, c'est le silence, on traverse des déserts céréalier avec nos sac qui nous strient le dos, on gamberge de fontaine en fontaine. A Torres del Rio, notre destination, personne ne nous attend à midi... Hormis quelques paysans qui inspecte leur pomme de terres dans le jardin, la ville est pratiquement fantôme.
Devant une maison, un petit écriteau au devant nous signale : « La tienda » (Le magasin). Tout le village s'y approvisionne. Nous nous y ravitaillerons tout à l'heure, mais pour l'heure, le magasin est fermé et il faut patienter. Nous nous asseyons sur un banc et commençons à grignoter les provisions qui nous restent. Un chien se promène seul dans la rue se gratte les puces devant nous et nous fait les yeux doux, je lâche un peu de mes chips à ce petit ventre.



Je réfléchis encore au désespoir de Pablito. Un antagonisme que je ne comprends pas s'est créé entre l'être et l'avoir. En effet, si l'on dépasse le simple constat des faits, pourquoi ne pas à la fois être et avoir puisque rien ne semble l'en empêcher.

Il est possible que l'argent soit mauvais, cependant, si l'explication existe, elle est indirecte, car il ne faut pas haïr l'argent pour être sage, il faut le mépriser. La possession n'est pas un vice, mais elle vicie notre âme comme le calcaire bouche les tuyauteries. En accaparant notre conscience, les inventaires de notre bien nous plongent dans une obsession comptable. C'est une litanie sans fin, une fois qu'on a tout compté, on recommence, pour être sûr.

On pose deux, on retient un, on occupe notre âme qui a peur du vide. Notre esprit est finalement bien affairé et n'a plus les ressources nécessaires pour exister de manière utile. On aime se vautrer dans ses calculs, c'est naturel que de fuir l'ennui. Achats, hypothèques, impôts, assurances, horaires, salaires, retraites et tout ce genre de chose, comblent à merveille toutes nos petites dépressions. Il est normal, quand est raisonnable, de ne penser qu'à partir du support de ce qui est tangible et palpable, et non pas sur les subtils éthers de l'Être.

L'Être est transcendantal, il n'est ni comptable, ni délimitable. Même si la richesse de notre essence est considérable, notre conscience limitée peine à comprendre sa nature non cardinale. Ceux qui cherche du sens à leur vie peineront à se satisfaire d'une algèbre qui ignore tout du progrès. Nous sommes matière, êtres vivants, humains, hommes et femmes, jeunes et vieux, individus ou communauté, croyants ou impies et tout ce genre de chose à la fois. La liste n'a pas de limite et, malgré cette abondance, il n'est pas possible de thésauriser et d'éprouver sa fortune. Connaitre son bonheur quand on n'a que son être pour exister et aucune preuve pour le consacrer n'est pas donné à tout le monde. En effet, l'être n'a pas de police d'assurance. Il y en a qui font de grande écoles pour avoir un diplôme, qui achète une maison pour avoir une sécurité, qui deviennent carriériste pour avoir un poste. Savoir que l'argent ne fait pas le bonheur est une philosophie ambitieuse, quoiqu'on en dise...

L'Avoir peut se compter et se mettre dans des coffres forts. Il donne des certitudes. On l'additionne, on le soustrait, il est parfaitement rationnel, il représente un progrès mesurable de notre accomplissement dans la vie. Dans une société qui refuse l'irrationalité, il est à craindre que l'Être et de l'Avoir soient irréconciliables.



Le long du chemin, nous dépassons des vieux. A la fin je suis écoeuré du défilé continu de ces vieilles carnes, je crois qu'ils me pompent mon oxygène. Ni sage, ni humble, c'est une nouvelle génération de vieux qui a pris le pouvoir. Ils ont certes de l'expérience, ils ont pondu et travaillé, mais cela ne suffit pas à les rendre respectables. Ces braves types et bonnes femmes manquent de conversation et hormis leurs trucs pour se curer les pieds, leurs conseils pour dénicher les bonnes albergue, vous n'apprendrez rien à leur côté.

Ils se déplacent en bande de copains et rigolent fort en se tapant les cuisses pour se rappeler le temps béni de leur lycée. Ensemble, ils s'infiltrent partout où on peut faire « jeune », ils sont encore verts comme des petits poids en conserve. Les jeunes-vieux dynamiques, je les trouve à chier.

Les vieux de maintenant, c'est plus ce que c'était !

Je préfère mille fois mon grand-père, qu'à jamais dit un mot à propos de sa supposée jeunesse d'esprit, mais qui m'a appris à jouer à la belote et à la pétanque.